1985, le changement

De nouveaux partenaires pour un programme de deuxième génération

Après cinq à sept années de fonctionnement, apparut naturellement la nécessité de faire évoluer un programme qui ayant répondu au mieux à sa mission de conservation génétique, pouvait adopter un cadre d'application moins contraignant.

Dés lors, en 1985, le programme fut modifié au profit d'une procédure moins formelle, s'appuyant sur une liste de mères à taureaux établie par l'UPRA et sur l'utilisation intensive de taureaux de monte naturelle pour diversifier les lignées présentes à l'lA.

Il s'agit ici d'une période charnière au cours de laquelle l'UPRA put à la fois se réjouir du concours de nouveaux intervenants techniques et financiers et regretter la résurgence d'une situation conflictuelle occasionnée par des désaccords sur les choix génétiques sur lesquels nous reviendrons plus loin.

Les deux nouveaux acteurs sur le programme flamand furent le Centre Régional de Ressources Génétiques Nord Pas de Calais et l'Institut Technique de l'Elevage Bovin par sa cellule chargée de l'appui méthodologique aux programmes conservatoires.

Section d'Espace Naturel Régional, le Centre Régional de Ressources Génétiques est ainsi créé en 1985 pour intervenir financièrement et techniquement dans les actions de préservation des nombreuses richesses végétales et animales de la région Nord Pas de Calais.

Son animateur, René Stievenard s'investit totalement dans cette mission et, avec beaucoup de compétence et d'engagement personnel, occupe depuis lors une place essentielle dans la vie de l'UPRA, unanimement reconnue par les éleveurs.

L'Institut Technique de l'Elevage Bovin, soutiendra aussi de façon importante la Rouge Flamande et l'autre race régionale la Bleue du Nord, en mettant à leur disposition un de ses techniciens décentralisé sur la zone, Gérard Cucheval.

De 1984 à 1993, Gérard Cucheval assurera donc en étroite collaboration avec l'UPRA le suivi technique des élevages avec conseils d'accouplements et appréciation morphologique des reproducteurs.

Très apprécié des éleveurs, il sera totalement intégré au groupe et associé aux grands moments de l'association.

Cette présence accrue sur le terrain aura bien évidemment des répercutions très positives sur le fonctionnement de l'UPRA, sur son animation et sur la qualité du service aux adhérents.

Paradoxalement cette période qui voit la stabilisation des effectifs de la race et une UPRA devenir plus performante, renoue avec des débats génétiques contradictoires relatifs à l'infusion de la race danoise dans la flamande…

Principalement sous l'impulsion de l'ingénieur de l'Institut de l'Elevage chargé des programmes conservatoires, une forte pression est faite sur l'UPRA et ses éleveurs pour abandonner progressivement toutes traces de sang danois et se cantonner à un recours exclusif aux gènes de la flamande française de race pure.

Faut-il ainsi privilégier une conservation génétique stricte en préservant au mieux les exigences en matière de productivité? Option qui a la faveur de l'Institut: ou faut-il raisonner l'entité raciale en fonction de son histoire et des apports extérieurs qu'elle a connus en préservant son identité et en lui donnant les moyens d'une certaine compétitivité? voie retenue par les éleveurs.

En d'autres termes, les gestionnaires d'une petite race doivent-ils sacrifier les aspects économiques à la sauvegarde génétique au risque de s'orienter vers une race "relique" ou doivent-ils à l'inverse accepter l'idée d'une race évoluant selon les âges et les conditions économiques changeantes et permettant de vivre correctement de son élevage?

C'est bien sur cette seconde alternative que défendent âprement des éleveurs dont l'opposition aux recommandations techniques du représentant de l'Institut grandit au fur et à mesure de "l'entêtement dogmatique" de celui-ci.

Il faut souligner que la race flamande, quoique disposant d'une diversité génétique peu commune en regard de ce qu'elle a vécu, manque cruellement de lignées mâles favorablement indexées ou créditées d'un potentiel productif satisfaisant.

Dans ce débat, l'UPRA fait valoir ses arguments: En premier lieu, la sauvegarde de la flamande a été voulue et mise en œuvre par les seuls éleveurs qui entendaient toujours exploiter ses qualités propres et affirmer la prédominance du sang originel dans le schéma de sélection. Ensuite, malgré l'absence de renouvellement de taureaux flamands et une large mise à disposition depuis trente ans de taureaux danois améliorateurs, le risque d'absorption n'a jamais pesé sur la flamande.

Sans doute d'ailleurs ne se trouve t'il que fort peu de races au parcours comparable ayant su aussi bien maîtriser et contenir leur apport extérieur. La race danoise qui n'y est pas parvenue dans son pays est en train de périr plus vite par le croisement que si elle avait tenté de préserver son identité. Enfin et surtout, la conservation génétique voulue par la collectivité qui en a fait un enjeu de société, signifie l’utilisation fréquente de souches moins performantes voire détérioratrices. Or, si les éleveurs en acceptent le principe, principalement par passion, il serait anormal qu'ils soient les seuls à en supporter le coût.

Les origines françaises sauvegardées, les éleveurs n'ont pas jugé opportun de se priver des origines danoises résiduelles, intéressantes pour l'amélioration de la quantité de lait, des taux utiles et de la conformation de la mamelle et à distiller avec précaution dans la race afin d'éviter les pertes de taille et de poids.

Dans l'intervalle 1985-1995, les choix du programme furent le résultat de compromis entre les éleveurs et les tenants d'une vision plus restrictive vis à vis de l'infusion danoise.

Le durcissement de la position de l'ingénieur de l'Institut de l'Elevage accentua les divergences de vue et les relations avec les éleveurs s'envenimèrent rapidement.

Leur animosité à son égard prit peu à peu une telle ampleur que l'on aboutit à l'éviction de celui-ci de l'UPRA et de toutes affaires concernant la flamande.

Depuis lors, une commission génétique de l'UPRA, composée d'éleveurs et du représentant du Centre Régional de Ressources Génétiques est chargée du choix des animaux de sélection (30 mères à taureaux et 3 à 5 taureaux mis en testage par an) en veillant à concilier tant que faire se peut, conservation génétique et progrès génétique.

Pour mémoire, le premier taureau porteur de sang danois et diffusé à l'lA sera SILVA (37.5 %) en 1980. Il sera suivi des quarts de sang VORACE et BAYARD en 1987 et 1988.

En fait, l'augmentation de la fréquence d'admission de mâles croisés à l'lA ne fera qu'officialiser la pratique depuis longtemps répandue dans les élevages par la monte naturelle et ne menacera pas le niveau maximal toléré de 20 à 25 % de sang danois dans la Rouge Flamande.