Histoires d'éleveurs

 

Rencontre avec la Famille VAESKEN,

éleveurs à Saint-Sylvestre-Cappel.

La Flamande ? Une vache qui n’a jamais démérité

et nous a toujours mobilisés.

 

Quelle est l’histoire de la RF au sein de l’exploitation familiale ? Des souvenirs particuliers du temps de vos parents, vos grands-parents ?

La mémoire de l’élevage remonte aux grands-parents de Pierre.

En 1918, inexorablement c’est la Flamande qui peuple nos campagnes, et il en est ainsi jusqu’à la guerre 39/45.

C’est la race locale par excellence, facile à élever, bonne laitière et bonne beurrière.

Pendant la guerre, avec la mobilisation, ce sont deux tantes de Pierre qui veillent sur la ferme.

Assistées d’un oncle et de quelques voisins, elles parviennent à préserver le cheptel.

Après la seconde guerre mondiale, le ciel s’obscurcit significativement pour la Rouge Flamande et Pierre nous évoque cette époque.

Dans les années 50, la Tuberculose sévit et les étables sont passées au peigne fin par les services vétérinaires. Les animaux décelés positifs sont marqués d’un « T » et sont abattus : des étables entières sont ainsi vidées de leur cheptel.

Dans la famille de Pierre, le vétérinaire passe également et procède aux tests : la première vache se révèle positive, par chance elle sera la seule… le reste du troupeau est indemne.

La Flamande se maintiendra sur la ferme. Qu’en aurait-il été si l’ensemble du troupeau avait été contrôlé positif ?

En effet, autour d’eux, çà et là des plans de modernisation des étables sont mis en place.

Sans doute marqués par les conséquences de la Tuberculose, de nombreux éleveurs décident de repeupler ces nouvelles étables avec des « Hollandaises », ces vaches noires et blanches qui semblent incarner le renouveau et l’avenir.

Quand il passe, le marchand de bestiaux semble lui aussi bouder la race Flamande : Pierre se souvient d’une réflexion marquante face à un veau flamand : « s’il était peint en noir et blanc, ce veau se vendrait bien mieux »…

Des plans de cessation laitière successifs viennent aussi chagriner le devenir la race.

Dans la famille Vaesken, on maintient cependant le cap et la Rouge Flamande s’émancipe.

 

Un travail de sélection se met en place…

Dès les années 50, le contrôle laitier et l’insémination artificielle viennent progressivement consolider les performances du troupeau. Pierre se souvient des centres d’insémination artificielle du progrès rural à Frais Marais lez Douai, et de l’Amélioratrice à Noyelles/Escaut en particulier.

En 1974, il reprend l’exploitation et la destinée du cheptel.

Au début des années 80, dans le cadre du plan de sauvegarde lancé par l’organisme de sélection Rouge Flamande le travail de sélection et les contrôles de performances s’accentuent.

En effet, avec l’aide de la Maison de l’Elevage, la race et la sélection se structurent et le troupeau de Pierre et Maria fait l’objet d’un suivi attentif et permanent, les efforts sont portés sur la production laitière et les qualités de mamelle.

Les cahiers des vêlages que Pierre et Maria ont conservés précieusement constituent un historique impressionnant de ce travail progressif et des générations de vaches qui ont successivement constitué leur étable.

 

La participation aux concours est une passion familiale, une vitrine pour l’élevage : témoignage de moments heureux mais aussi de disconvenues.

Le travail de sélection progressif et assidu porte ses fruits et très vite l’élevage VAESKEN trouve sa place au SIA de Paris ainsi que dans les concours locaux.

En 1991, Veine, fille de Padirac, une vache prometteuse née en 1984 (lactation de 9.200 kg) gagne la capitale : en présentation de race, en l’absence de concours.

Pour souligner l’événement, Pierre et Maria emmènent leurs enfants à Paris et se rendent au salon après une ballade découverte de la capitale.

Depuis le matin, Albert MASUREL essaie en vain de les joindre : Veine a succombé à ce qui semble être une hémorragie interne. Une couverture recouvre le corps sans vie de leur vache à leur arrivée. Difficile alors de rester enthousiaste face aux risques et traumatismes que peuvent générer ces « grands événements ».

Veine laissera tout fois en héritage Duchesse, qui a elle-même produit les taureaux d’insémination artificielle Léopold et Noé.

Autre traumatisme, une contamination IBR, visiblement imputable au salon également. Une vaccination générale du troupeau est alors opérée, mais c’est une dizaine d’années de mise en retrait, d’isolement (de 1997 à 2007) qui s’instaure.

Même sans ces situations extrêmes, Pierre et Maria nous précisent combien une participation au SIA représente toujours un stress, des perturbations, pour l’animal concerné et pour l’ensemble du troupeau.

L’animal « glorifié » à Paris revient avec une odeur, des effluves étrangères au troupeau. Il faut veiller à le réintégrer progressivement au cheptel.

Bien heureusement les concours ont aussi généré des temps heureux et permettent d’estomper ces mauvais souvenirs.

Floralie, et Heidi ont par la suite dignement représenté l’élevage à Paris.

Floralie est d’ailleurs la mère du taureau de monte naturelle Mikado, qui a produit le taureau d’IA Alban.

En 2014, c’est la consécration avec Eskimo, une fille d’Apache, d’un développement remarquable. Elle décroche le prix de la meilleure mamelle jeune, le prix de championnat jeune, et de Grande Championne.

Collose remporte quant à elle le prix de la meilleure mamelle adulte et le championnat adulte. Elle se distingue aussi par des lactations supérieures à 10.000 kg !

En 2015, Collose et Eskimo portent à nouveau très haut les couleurs de l’élevage.

Eskimo, toujours aussi remarquable dans son développement affichera un poids de 900 kg lors de la pesée du SIA 2015 !

 

Quelques mots sur Collose…

Du veau de beau gabarit qu’elle fût à sa naissance en 2007, et qui lui a valu son nom, Collose a très vite perdu un « s », mais a aussi très vite gagné l’admiration par sa conformation, puis par son potentiel laitier.

Cette vache fille de Trophée et d’Umacher a brillé sur les concours ces dernières années. Elle incarne aussi la longévité avec 6 vêlages, et une fécondité exemplaire avec un vêlage chaque année en septembre.

Attendue sur sa descendance, cette vache d’exception, mère à taureaux, marquera indéniablement l’élevage VAESKEN, et l’histoire de la race.

Les concours locaux ont eux aussi leur importance : ils sont des temps de présentation et de communication sur la race au sein de son berceau d’origine.

Les concours de la Foire des Rameaux de Bergues, la Meï Feest de Steenvoorde, la Fête du lait à Le Quesnoy, Terres en Fête à Arras, mais aussi des présentations à la Foire d’Hazebrouck ou à la Fête du Parc sont en effet des rendez-vous importants qui mobilisent Pierre et Maria, dans un souci permanent de donner à la race une vitrine des plus nobles.

Les concours : un gros investissement en temps ?

Outre le travail de sélection qui se fait au fil du temps, participer aux concours demande en effet beaucoup de temps de préparation : laver, brosser, tondre les animaux, mais aussi les apprendre à marcher.

C’est du travail de « coulisse » qui représente une partie du résultat final mais qui demande beaucoup d’application et de patience.

Quand il s’agit de présenter plusieurs animaux pour la première fois, l’implication est considérable, mais la passion est là !

« Nos enfants s’impliquent beaucoup à nos côtés dans ces circonstances très mobilisantes ».


 

Le SIA : des retombées pour l’élevage ? Localement, quand on a une vache de chez Pierre et Maria VAESKEN, c’est toute une référence…

Suite au dernier salon, il y a effectivement eu des demandes, plus ou moins conséquentes, de l’Avesnois en particulier.

Nous sommes aussi en phase d’accroitre notre production laitière, et donc notre troupeau : nous avons besoin de nos génisses.


 

Maintenir quelques PH dans le troupeau, c’est pour maintenir des éléments de comparaison ?

Elles nous permettent d’avoir un œil comparatif, mais nous connaissons bien les deux races avec leurs qualités et défauts.

Elles sont surtout issues des quelques PH composant le troupeau du voisin repris en 1984 : une bonne génétique qui a subsisté au fil du temps, au sein du troupeau de Flamandes.


 

La Taurellerie : un atout pour la race ?

C’est un « outil » appréciable pour nous, éleveurs.

Cela nous évite d’avoir à élever des taureaux sur la ferme, peu d’éleveurs s’y risquent encore. Leur manipulation n’est pas sans danger.

Par contre, plusieurs veaux mâles nés à la ferme, ont rejoint la station pour y être observés et rejoindre le centre d’IA pour y être collectés.

On citera notamment Gouille et Grisbi, taureaux d’IA, Gamin, demi-frère de Collose, Igloo fils d’Eskimo, Iceman fils de Collose.

 

Les spécificités du lait de RF sont reconnues par la Laiterie ? Danone manifeste t’elle un intérêt pour la race ?

C’est la qualité du lait qui suscite l’intérêt et se trouve récompensée.

La matière grasse qui le caractérise, la matière protéique propre à la Flamande, et un taux de cellules moindre sont appréciés et permettent des primes de qualité.

Bien entendu, quand les vaches de l’élevage gagnent les premières marches du podium à Paris, Danone partage cette fierté et ne manque pas de tirer quelques clichés.

 

Définir la Flamande en un mot… son caractère ?

C’est une vache qui ne manque pas de caractère, c’est elle qui décide…il est parfois difficile de lui imposer quelque chose.

Les PH du troupeau n’ont qu’à bien se tenir ! Intrépide peut convenir ? Oui…


 

Et comment voit-on l’avenir ?

En Rouge, en rouge flamand plus précisément.

Dominique vient de revenir sur l’exploitation et poursuit l’aventure. On parle désormais de l’EARL VAESKEN. L’épopée de la Rouge Flamande va donc se poursuivre dans la famille VAESKEN : on peut s’en réjouir et s’impatienter d’en connaitre les futures étapes : à suivre…


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