Les croisements

Sur fond de rivalités de centres d'insémination  artificielle

Les motifs profonds des essais de croisements apparaissent dès 1958, année de transition marquante pour la race. C'est en effet en 1958 que commença la chute du nombre des inscriptions au Herd-Book et surtout que le nombre d'inséminations en race hollandaise dépasse pour la première fois celui de la flamande:

Total des inséminations à Frais Marais, Noyelles et Montfliéres:

Année

Races

1957

1958

Flamande

120 219

124 507

Hollandaise

114 061

137 498

À cette époque, M. Gaston Debavelaere présidait le Herd-Book avec pour chaperon M. Maurice Martin Directeur des Services Agricoles.

Ce fut une présidence molle surtout émaillée par le début de la rivalité entre centres d'insémination artificielle, le PROGRES RURAL à Frais Marais lez Douai et L’AMELIORATRICE à Noyelles/Escaut.

Dans un climat de tension entre le Nord et le Pas de Calais, M. Jean Voituriez est porté à la présidence du livre généalogique. Il tenta d'apaiser les rivalités sans cependant être en mesure de ramener le calme d'abord puis de définir le modèle flamand capable de contenir la pénétration de la hollandaise.

Tant pour juguler une consanguinité croissante que pour produire un animal moins anguleux, la décision de procéder à des essais de croisements est prise en 1958.

La prospection en vue de l'acquisition de reproducteurs étrangers a été faite tout d'abord par le CIA "Progrés Rural" en accord avec le Herd-Book.

La race rouge danoise qui représente alors 70 % de l'effectif bovin du Danemark est retenue. Les trois premiers taureaux importés, RANDERS LOKE, CARLSRO HOST et TYRSTRUP ULV apportent de bons rendements laitiers mais n'ont pas l'impact escompté sur l'épaisseur des animaux.

Ce relatif échec conduit alors des éleveurs du Pas de Calais à se tourner vers la race Rouge Belge de Flandre occidentale. Fort du soutien inconditionnel de M. Bodilis, ingénieur en chef des Services Agricoles du Pas de Calais et de M. Viart, maître agricole et conseiller général du canton de Beaumetz Les Loges, ce groupe d'éleveurs conduit par Messieurs Gilbert Laloux de Simencourt et Jean Canesse de Neuville' Saint Vaast organise donc avec le CIA L'Amélioratrice et son directeur M. Goubet, l'importation en 1962 d'un premier taureau rouge belge, WINSTON de Roseenwenhof.

Logiquement la mixité de la rouge belge, race très précoce, charpentée et lourde produit un impact très favorable sur la valeur bouchère des animaux croisés et notamment sur celle des veaux gras dont l'élevage est d'une importance cruciale pour l'économie agricole régionale à cette époque.

L'année suivante, deux autres taureaux sont importés du CIA de Loppem ALEX DE BEVERSLUIS et BARON DE IJZER.

Dans cette période de valse hèsitation, le Herd-Book va vite se désagréger, ses éleveurs se divisant et s'opposant selon leurs options génétiques et le choix d'un ClA contre l'autre.

Les anciens leaders de la flamande, Messieurs Camille Schipman et Fernand Janssen en fin de carrières et peu désireux de s'immiscer dans un débat qui prenait des allures de conflit ouvert ne se mêlent pas au combat.

Les autres éleveurs font de la résistance tant à l'égard de la française frisonne pie noire que de la rouge belge.

Dans le Nord on citera entre autres Anthyme Hamez de Bambecque, André Mouchie de Wormhout, les frères Coudeville de Houtkerque, Pierre Vandaele de Warhem, Daniel Ledein de Pitgam, Yves Vanhersecke de Steene, Etienne Degrand et Omer Blanckaert de Westcappel, Pierre Stoffaes de Eecke, Jean Markey de  Rexpoëde, Henri Delassus de Steenvoorde et Victor Vambremeersch de Renescure. Les éleveurs rouges belges font scission en 1963 et créent l'association des éleveurs de la race rouge du Nord de la France.

Dans ce contexte très tendu, les centres d'insémination affichent de plus en plus leur intérêt pour le dèveloppement de la sélection pie noire au détriment de la flamande. Manifestement, l'option frisonne leur permet de gérer leur propre programme, alors que la sélection mâle en Flandre était verrouillée par quelques éleveurs influents, et de profiter de la source d'approvisionnement hollandaise dont l'organisation était depuis longtemps structurée et optimisée.

Ainsi, au cours des années 60, il est clair que les inséminations artificielles flamandes financent les acquisitions parfois somptuaires des taureaux hollandais. Après la fermeture administrative de l'Amélioratrice, le Progrès Rural devenu URCEIA n'accueillera plus de taureaux flamands dans ses stations. Durant une longue période, le Directeur de l'époque, Monsieur Vanhecke prétextait alors la subsistance d'un important stock de paillettes inutilisées.